A la maison

Sur les forums que je fréquente, lorsqu’on dit « à la maison », il est le plus souvent question d’y accoucher…
On refuse l’hôpital, ses protocoles, son inhumanité, pour un moment aussi intime et crucial que celui de donner la vie…

Il est un autre moment intime et crucial où il va falloit choisir… ou choisir pour nos proches…
Celui qui se trouve à l’autre bout de la vie…
Lorsqu’il va falloir rendre son dernier soupir, longtemps après ce premier cri…

J’ai rencontré il y a peu un vieillard en fin de vie, ainsi que ses enfants,  pour qui se posait la question d’une mort à domicile, ou à l’hôpital…
Il vivait chez un de ses enfants, avec qui j’ai eu une conversation visant à l’aider à prendre SA décision pour accompagner les derniers moments de son père…
J’ai été frappée par la peur qui entoure la mort…
J’ai cru cerner dans ses paroles que ce qui lui faisait le plus peur, c’était de voir son père souffrir… Mais même après que je l’ai rassuré sur les moyens de sédations dont on dispose, même à domicile, la décision fut prise d’organiser un tranfert à l’hôpital pour sa fin de vie…
Car au fond, la vraie peur, je crois, c’est de ne pas en faire assez… De ne pas mettre en oeuvre tout ce qui est techniquement possible…

Je respecte complètement cette décision, car comme je le lui disais, je n’ai jamais été amenée à accompagner quelqu’un « jusqu’au bout » (enfin, dans un processus de mort naturelle, qu’on laisse venir… Des réanimations infructueuses, ça j’ai déjà fait, mais on n’est pas dans le même registre…) et donc je ne sais pas ce que cela implique émotionnellement de laisser partir un être cher…
Les familles que j’ai rencontrées et qui ont fait ce choix ont éprouvé une grande fierté d’avoir offert ce qu’elles considèrent souvent comme un cadeau à leur parent… « Il est parti tranquillement, calmement… »

Mais elles ont besoin d’être accompagnées également, ces familles… Car elles peuvent vite avoir l’impression qu’elles ont abandonné ce parent mourant, qu’elles n’ont pas « tout fait pour lui » … En l’emmenant à l’hôpital, notamment… où aucun soin supplémentaire n’aurait été mis en oeuvre, probablement…
En effet, à l’hôpital rien de plus ne sera fait, mais au moins l’être aimé est « en de bonnes mains », aux bons soins de professionnels compétents… C’est l’image qu’on se fait, j’imagine…

Pour ma part, il est clair que je préfèrerais partir dignement, chez moi, au milieu de personnes connues, plutôt que dans l’anonymat d’une chambre d’hôpital… Mais aurais-je moi-même la force et la disponibilité pour accompagner mes parents dans cette traversée… Rien n’est moins sûr…

Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé vraiment saisissant le parallèle entre naitre et mourir chez soi… La place de l’hôpital et des professionnels… Le manque de confiance en l’humain, en la vie qui suit son cours naturel… Le manque de confiance en nous pour l’accepter…

5 réflexions au sujet de « A la maison »

  1. J’ai fréquenté ce style de forum aussi, où beaucoup cherchaient à accoucher à la maison, pour retrouver quelque chose de plus naturel, plus humain aussi.

    Si je comprenais bien leur souhait, c’est quelque chose qui ne m’a jamais attiré pour moi, sûrement parce que j’ai de très bons souvenirs de la prise en charge hospitalière que j’ai eu pour mon accouchement.

    Par contre le maintient à domicile et notamment la fin de vie à domicile est quelque chose qui me tient vraiment à coeur, et je m’aperçois que j’ai tendance à vraiment insister dans cette direction.
    Quand ma grand mère a été en phase terminale de son cancer, j’ai tout d’abord râler intérieurement l’hôpital qui la gardait alors qu’elle souhaitait rentrer chez elle et mourir dans son lit. Puis j’ai compris que c’est mon grand père qui avait refusé.
    Par pour elle, ou parce qu’il pensait qu’elle serait mieux prise en charge à l’hôpital, ou qu’on ferait plus. Il avait entendu son souhait.

    Sa réaction était purement personnelle : lui ne se sentait pas capable d’affronter ça dans leur maison. Psychologiquement. Il passait ses journées à ses côtés à l’hôpital, et évidemment c’était éprouvant et rentrer chez lui le soir c’était une bouffée de soulagement. Je crois qu’il aurait été bouffé et se serait effondré avec elle si elle était rentrée. Il a cherché à se protéger, et elle l’a compris, elle n’a pas insisté.
    Et elle a été très bien prise en charge, et est partie calmement, sereinement, et sans douleur.

    Bref ma conclusion va paraître évidente, mais j’ai compris à ce moment là que ces choix sont vraiment personnel; et que ce que j’estimais « être le mieux » n’était peut être pas le mieux pour d’autres…
    J’essaie toujours de soutenir au maximum ceux qui souhaitent une fin de vie à domicile, mais ces choix là n’impliquent pas que le patient, et l’adhésion pleine et entière de l’entourage est indispensable et ça c’est une décision qu’on ne peut pas prendre à leur place…
    Et quand bien même la décision de rester à domicile a été prise sans soucis au début, on n’est jamais à l’abri d’un « craquage » dans les derniers moments parce que « non désolé c’est trop dur » et il faut respecter ça aussi…
    Je m’emballe mais c’est un sujet qui me parle beaucoup :)

    • Oui, c’est une question très personnelle, dont la réponse ne peut se trouver qu’entre les personnes concernées… et cette réponse peut évoluer au fil des jours…
      Notre place de soignants est de soutenir les patients et leur famille dans leurs choix., quels qu’ils soient, j’en suis persuadée…

  2. Mon père est mort à l’hôpital. Ça n’a pas été un choix, vu qu’il était en HDJ, mais un concours de circonstances. Pour autant, ce fut « une belle mort » (enfin bon, je me comprends parce que la mort c’est toujours moche). « Une belle mort » parce que c’était dans le service dans lzquel il avait été suivi pendant des mois. « Une belle mort » parce qu’il connaissait l’équipe soignante et qu’il y avait une empathie absolument merveilleuse. « Une belle mort » parce que nous, ses enfants, étions avec lui. « Une belle mort » parce que toute la journée nous avons passé sa musique préférée. « Une belle mort » parce que la chambre 423 était emplie d’amour. Je crois pas que ça aurait été mieux à la maison. Je sais pas en fait. Mais parfois, mourir à l’hôpital, c’est pas si mal.

    • Merci pour ton témoignage. C’est rassurant de se dire que les équipes hospitalières peuvent apporter cette empathie que tu décris. La confiance qui s’est installée au fil des jours a sans doute été très précieuse… Toutes mes pensées pour toi, et pour ton papa parti entouré de tant d’amour…

  3. Très bonne réflexion, qui me donne une idée pour ma thèse qui traite justement de la fin de vie à domicile. ça serait bien, que comme la naissance, la mort reprenne un peu sa place au domicile. comme tu le dis, si on ne fait rien de plus à l’hôpital qu’être présent 24h sur 24, il y a certainement des cas où les derniers jours pourraient se passer à la maison.

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