I did it !

Moulte fois j’ai eu des velléités d’écrire un nouveau billet… En fait dans ma tête j’en ai écrit mille à peu près ! Car il s’est passé tellement de choses au cours de cette année… Des choses que j’ai envie de partager ici car (à ma grande de surprise je l’avoue) il y a toujours du passage sur ce blog, toujours des gens qui tapent « reconversion médecin généraliste » sur leur moteur de recherche et qui arrivent ici…

J’ai envie de témoigner que « OUI C’EST POSSIBLE » !

Je l’ai fait !

J’ai dévissé ma plaque.

J’ai pris la décision au cours d’une ballade en forêt, une de celles que je fais seule, pour me ressourcer, quand je sens qu’il y a trop de choses qui tournent en boucle dans ma tête. C’était au retour d’une formation  de psychogénéalogie. Pendant trois jours, j’avais réfléchi sur mon arbre, sur ma place, dans ma lignée et dans ce monde, sur ce qui m’appartenait ou pas, sur la vie que je menais, celle que je voulais vivre, ce qui m’empêchait de la vivre…

La conclusion que je n’avais pas encore posée intellectuellement à ce moment là, mais que je commençais à sentir (ça bouillonnait fort!) c’est que tous les freins, toutes les barrières que je voyais, qui m’enfermaient, ils étaient internes. Ils ne venaient pas tous de moi, beaucoup de choses ne m’appartenaient pas, mais il ne tenait qu’à moi de décider.

Et donc j’ai décidé.

Comme ça.

J’ai fixé la date. J’ai respecté le préavis fixé dans notre contrat pour prévenir mon associé  (9 mois… C’est à la fois très long et très court…) J’ai décidé de prévenir mes patients et les confrères 4 mois avant « la date ». Pendant 5 mois, rien n’a donc vraiment changé,  sauf que tout avait changé : ma libération  était en cours. Je ne passerai pas un autre hiver en médecine générale, dans ce cabinet.

Il n’y avait que mon associé et ma secrétaire qui étaient au courant. Ils ont été absolument adorables. On a vécu ces quelques mois entre parenthèse, à se projeter chacun dans la suite sans trop en parler.

Mon associé a été juste génial, il m’a facilité les choses du début à la fin, malgré le coup dur que ça représentait pour lui (je l’avais prévenu quand il a succédé à mon ancien associé que je ne comptais pas rester là très longtemps, mais ni lui ni moi n’avions prévu que nous ne serions finalement associés que 18 mois…) Il n’a pas voulu chercher d’associé tout de suite. Officiellement il m’a dit vouloir gérer seul la transition, préférant rester seul qu’être mal accompagné. Il y a quelques semaines, lors de l’inauguration de mon nouveau local, il a dit à mon mari qu’il avait voulu me laisser la possibilité de changer d’avis et de revenir… J’ai trouvé ça tellement mignon! Mais bon… Hors de question que je revienne… Il l’a bien compris ce jour là, me voyant heureuse et fière de présenter à tous ma nouvelle activité, ma nouvelle vie…

L’annonce aux confrères de ma ville a été difficile. Ça me tenait à coeur bien plus que je ne l’imaginais… J’ai traîné beaucoup de culpabilité pendant cette année… Cette impression d’abandonner tout le monde, me sentir comme un rat qui quitte le navire, de laisser les autres dans leur merde pour vivre mon petit trip égoïstement… Mais une fois le mail envoyé, je me suis sentie tellement soulagée, et les réponses que j’ai reçues ont été globalement très bienveillantes. Je pouvais enfin dire qui j’étais, et me sentir pleinement en accord avec moi même, après 20 ans de tiraillements, à ne pas me sentir à ma place, à ne pas m’autoriser à être qui je suis…

L’annonce aux patients, celle que je redoutais le plus, a été bien moins difficile que prévu. J’ai mis une affiche en salle d’attente, et j’ai donné à chacun en consultation un courrier expliquant mon choix de façon plus complète. Je voulais envoyer ce courrier à ceux que je n’aurais pas eu l’occasion de voir au cours de ces 4 mois, mais une chose en entraînant une autre, je ne l’ai pas fait… Il y a donc quand même quelques personnes qui auront eu la surprise d’apprendre mon départ après coup, en voulant prendre RDV… Tant pis…

Je m’attendais à des larmes, de la colère, de la culpabilisation, de l’émotion à n’en plus finir… Et en fait, tout s’est passé plutôt posément, calmement, sans trop d’effusions ! Il y a eu des témoignages vraiment émouvants (pas forcément de ceux que j’aurais imaginé), quelques larmes, quelques reproches aussi… Mais j’étais prête. Et je crois qu’on a fonctionné en miroir… J’étais sereine, droite dans mes bottes, et ça n’a pas laissé beaucoup de place en face pour les débordements !

Et puis un matin, c’était mon dernier jour… Un jour comme un autre, finalement, sauf que je n’y suis plus retournée après… (et en écrivant ces mots, j’ai les larmes qui picotent, donc malgré tout, je crois que l’émotion autour de tout ça n’est pas encore tout à fait digérée!) C’était un vendredi.

On a vidé le bureau avec l’Homme le dimanche. L’occasion de croiser l’ancien associé qui traîne encore par là parfois pour des raisons discutables. Je venais de pleurer toutes les larmes de mon corps devant les bennes de la déchetterie. Je me sentais tellement vulnérable. Le voir, lui parler, n’ont fait que me conforter dans ma décision. J’ai senti la force en moi, face à lui. C’était une évidence. Comme une boucle bouclée. Le mépris. L’arrogance. L’hypocrise. Je quittais tout ça, aussi, à l’image d’un système auquel je n’appartiens pas.

Je reprenais ma liberté.

J’ai dévissé ma plaque.

J’ai retrouvé ma liberté.

 

 

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14 réflexions au sujet de « I did it ! »

  1. Bravo, je suis très contente pour toi ! On avait échangé il ya quelques années, et j’ai suivi la reconversion sur Twitter, finalement tout arrive, c’était faisable, il fallait juste le bon moment et l’opportunité…Je te souhaite de tout cœur de continuer dans ce que tu aimes et qui t’épanouie, on n’a qu’une vie !

    • Merci!
      Je me souviens très bien de nos échanges, ça m’avait donné tellement d’espoir, même si tu n’avais pas quitté la médecine (et finalement moi pas complètement non plus !)
      Par contre j’ai mis du temps à faire le lien avec ton compte Twitter !

  2. Tu parles d’hypocrisie de mépris? De la part de ton associé ou des patients?
    En tout cas c’était une sage décision à ce que je vois!J’ai « abandonné » le navire aussi cette année comme tu le sais pour partir en PMI, C’était une très bonne décision aussi!

    • Je parlais de mon ancien associé.
      Et par extension, du « système », la grosse machine guidée par le profit, la rentabilité, l’efficience… Il m’évoque cela.
      Mais on y met ce qu’on veut… Le mépris de certains patients est réel, celui de certains spécialistes d’organes également, celui des médias évidemment…
      J’ai vraiment l’impression de sortir d’un engrenage avant d’être broyée… De me mettre en retrait, dans mon petit univers…
      Bref!
      Je suis contente que ta nouvelle voie te plaise. Je nous souhaite à toutes les deux de nous y épanouir !

      • Sans oublier les problèmes de santé chez une grande majorité des médecins (et de plus en plus tôt: externes et internes). D’ailleurs en discutant avec une interne qui souffre aussi, elle m’a rappelé ce passage de livre:
        « La médecine est une maladie qui frappe tous les médecins, de manière inégale. Certains en tirent des bénéfices durables. D’autres décident d’un jour de rendre leur blouse, parce que c’est la seule possibilité de guérir – au prix de quelques cicatrices. Qu’on le veuille ou non, on est toujours médecin. Mais on n’est pas tenu de le faire payer aux autres, et on n’est pas, non plus, obligé d’en crever. »
        La maladie de Sachs, Martin Winckler, médecin généraliste et gynécologue.

  3. Félicitations !! Je suis tellement heureux pour toi :-) (même sans te connaître)
    Une nouvelle vie s’annonce !
    Ton courage de t’écouter fait toujours écho chez moi, mais je ne prends toujours pas cette décision tellement nécessaire.
    Je me demandais quelle a été ta plus grande peur avant de te décider, et même jusqu’au jour de t’arrêter ?
    Perso, ce qui me bloque le plus -outre de ne pas savoir quoi faire précisément- est la peur du manque d’argent. Bien que je travaille peu maintenant, ça m’est bien suffisant, mais on s’habitue au revenu confortable de médecin.
    Donne nous de tes nouvelles même si c’est dans une année ;-)
    Déploie tes ailes !

    • Merci pour ton enthousiasme, ça me touche vraiment 😀
      De but en blanc, je te répondrais aussi « le manque d’argent » mais je crois que ce ne serait pas juste, en fait, ça ne tient pas après une analyse même peu approfondie !
      Et puis ce n’est pas vraiment des peurs…
      Des freins, oui, mais je ne me souviens pas d’avoir eu vraiment « peur »…
      Je ne sais pas si j’irai au bout de la démarche, mais j’ai prévu de continuer à écrire dans les prochains jours/semaines, parce que je veux me souvenir, et que si je n’écris pas maintenant mes souvenirs seront transformés… Et j’ai prévu de parler de l’argent, et de ce que j’ai découvert dans mon arbre, et de concrètement comment ça se passe avec L’URSSAF, l’Ordre, l’INSEE, touça touça. ..
      Mais parfois j’ai tellement à écrire que finalement je n’écris rien !
      Merci de me suivre, en tout cas 😙

      • Volontier ! ça serait super intéressant que tu abordes ces sujets là !
        L’Urssaf ça a pas du être simple… J’avais quitté la France pendant 1 an, et au moment de mon départ j’avais résilié l’URSSAF… ils ont mis un an pour comprendre que j’avais résilié (après plusieurs courriers avec accusé de réception)… Tout comme quelques années plus tôt ils avaient mis un an et demi pour comprendre que j’avais déménagé et changé d’adresse, malgré avoir fait les démarches par téléphone + sur leur site internet + courrier manuscrit avec accusé de réception. Alors ça n’a pas dû être une partie de plaisir !

      • Je rajoute une question,et tu as dû te renseigner auprès de l’ordre des médecins je pense: est-il possible de reprendre la médecine après plusieurs années d’arrêt (genre tu arrêtes 5-10-15 ans) et/ou faut-il faire une mise à jour, une vérification des connaissances, une formation au préalable (et combien de temps), etc

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