C’est un devoir de se battre pour défendre nos droits

soutien-aad

Les sages-femmes s’enflamment.

Et elles ont raison…

Les accouchements à domicile sont menacés…

Ils ne concernent qu’une toute petite proportion des accouchements, me direz-vous, alors pourquoi s’emballer? Et puis qu’est-ce que c’est que cette idée farfelue (voire dangereuse) de vouloir accoucher chez soi (sans péridurale, donc, ouhlala…) et loin de la sécurité et de la modernité hospitalières… [idées reçues, bien sûr, ne me prenez pas au mot!]

J’ai trouvé l’argument que je trouve le plus convainquant sur le blog « Pour le droit de choisir son accouchement » (ainsi que le titre de ce billet d’ailleurs) : personne n’imaginerait forcer une femme qui veut accoucher en maternité à accoucher chez elle… Alors de quel droit imposer la maternité à une femme qui souhaite accoucher chez elle? C’est bête comme chou, hein, alors pourquoi c’est tellement difficile à faire passer, comme notion??

Il y a plein d’autres bonnes raisons, allez les lire, ça coule de source…

Le pourquoi du comment de la menace qui pèse sur les sages-femmes qui accompagnent les AAD est très bien expliqué sur le blog sus-cité, ainsi que chez l’incontournable DixLunes et puis chez Claire, aussi, et à plein d’autres endroits du net!

Il y a une pétition à signer si ce n’est pas encore fait.

Un groupe FaceBook à rejoindre.

Et des rassemblements sont prévus dans toute la France le 26 octobre 2013.

Voilà, je crois que j’ai dit le plus important. Maintenant je vais raconter ma vie!

Sur cette carte, vous pouvez constater qu’il n’y a pas de rassemblement prévu dans le Nord-Est, hormis à Strasbourg… J’ai un peu pesté, j’y serais bien allée,moi, pourtant… Et puis en y réfléchissant 2 minutes, ça semble finalement très logique: il n’y a pas de sage-femme AAD à soutenir dans cette région, nous n’avons déjà plus le choix par ici…

L’AAD n’a jamais été un souhait pour moi lors de mes 4 grossesses, en tout cas pas en premier choix (si j’avais un 5e enfant, ce qui ne sera pas le cas, je crois que j’aimerais qu’il naisse chez moi, mais ce n’était pas mon projet jusqu’ici)

Par contre, j’ai envisagé de traverser la frontière pour aller accoucher dans une VRAIE maison de naissance, lors de ma 4e grossesse…

En effet, j’ai vécu 2 accouchements « classiques » en maternité pour mes ainées, avant de savoir qu’on pouvait faire d’autres choix… Et puis il y a eu la préparation de ma thèse sur l’allaitement, le désir d’interroger des femmes sur leur expérience, qui m’a amenée à fréquenter des forums de discussion, et un en particulier dont la vocation était d’informer sur « la naissance respectée ». Heureux hasard… Ça tient à si peu de choses, parfois…

J’ai donc découvert avec stupéfaction et scepticisme que des femmes pouvaient sérieusement envisager de se passer de la sécurité hospitalière et de la sacro-sainte péridurale pour donner naissance à leur enfants… (à l’époque, je pensais vraiment que l’hôpital était gage de sécurité, et j’aurais donné cher pour avoir le privilège d’accoucher dans une maternité niveau 3 alors qu’il n’y a « que » des niveaux 2 à proximité de chez moi)

Au fil des lectures et des échanges, j’ai mieux compris.

Et pour ma 3e grossesse, j’ai eu la chance d’être suivie par une sage-femme qui pratique l’accompagnement global (suivi de la grossesse, et présence lors de l’accouchement, en plateau technique)  Je crois que tant qu’on n’a pas expérimenté la chaleur, l’humanité, la confiance, qui se vivent au cours de ce type de prise en charge, on ne peut pas se rendre compte à quel point c’est précieux…

Pour ma part, j’ai développé une grande tristesse à l’idée que la plupart des femmes ne savent même pas qu’elle peuvent bénéficier d’autre chose, pour une grossesse sans complications, que d’un examen mensuel chez leur obstétricien, souvent purement technique et protocolaire…

Quant au jour de l’accouchement, je me souviens comme j’étais en panique lorsque le travail s’est fait plus intense (« mon dieu, qu’est-ce que j’ai fait, pourquoi je me suis embarquée dans cette galère, ça fait maaaaal, je vais jamais y arriver »)… En arrivant à la maternité, le seul fait de retrouver le visage bien connu de « ma » sage-femme a suffi à faire baisser d’un cran ce stress qui me privait de mes moyens pour gérer ce qui m’arrivait… Elle n’a eu de cesse de me rassurer, de me guider, de m’encourager… Je sentais qu’elle n’avait aucun doute sur ma capacité à faire naitre ce bébé, qu’au moindre problème elle saurait faire le nécessaire… Et tout cela m’a permis de trouver en moi une force insoupçonnable pour donner naissance à mon bébé « moi-même »…

On peut se demander l’intérêt d’en passer par là alors que « quand même avec une péri, il serait né aussi, ce bébé, et sans que sa maman souffre »…

Je ne saurais pas l’expliquer, en fait, « l’intérêt »… Pour ma part, ayant vécu une dépression du post-partum pour mon premier enfant, avec une grande difficulté à créer un lien avec elle, la différence est évidente, dans ce lien immédiat, ce premier regard échangé dans le calme qui suit la tempête, un regard qui n’est pas parasité par des produits anesthésiants, un fonctionnement hormonal qui n’est pas modifié par une injection d’ocytocine…

Évidemment, beaucoup de femmes diront qu’elles n’ont eu aucune difficulté à créer du lien avec leur bébé après un accouchement médicalisé. Et certaines femmes ayant accouché de façon physiologique développeront quand même une DPP… Les choses ne sont pas si simples… C’est pour ça que c’est difficile de convaincre quand on parle de l’intérêt de ne pas médicaliser la naissance…

Mais mon propos n’est absolument pas de convaincre de quoi que ce soit, de toute façon… Le but de ce billet est de contribuer à une mobilisation pour permettre au femmes de continuer à avoir LE CHOIX de leur accouchement.

Ceci dit, et pour continuer sur le thème  « ma vie mon œuvre », on peut se demander pourquoi je n’ai pas fait le même choix pour ma 4e grossesse?

Tout simplement parce que cette sage-femme a perdu l’accès au plateau technique… Et pas du tout pour une faute professionnelle…

J’ai donc du chercher une autre solution…

Après cette expérience, je ne pouvais pas envisager de revivre une naissance déshumanisée, d’être immobilisée sur le dos, les pieds dans les étriers, perfusée et monitorée… Ce que j’avais vécu comme normal lors de mes premiers accouchements, je l’envisage aujourd’hui comme une grande violence… Je ne voulais pas prendre le risque de « la loterie » (parce que dans les maternité, il y a heureusement des sages-femmes tout à fait humaines et prêtes à accompagner un accouchement physio dans la mesure de l’activité du service ce jour-là… Mais comment accepter de prendre le risque d’être prise en charge par « un autre genre de sage-femme »? (qui existe aussi, ne nous voilons pas la face!)

A cette période, j’ai envisagé un AAD… S’il y avait eu une sage-femme pratiquant les AAD, j’aurais fait ce choix, même si ce n’était pas forcément mon rêve. Cela n’a de toute façon pas été possible, il n’y en a pas par chez moi.

J’ai visité une maison de naissance en Allemagne, et j’y ai trouvé tout ce que je recherchais… En maison de naissance, j’aurais eu une sage-femme pour moi toute seule, dans un environnement tellement accueillant que c’est difficile à imaginer avec notre modèle des salles de naissance complètement déshumanisées… Savoir qu’en cas de soucis, un transfert serait organisé vers un hôpital « partenaire », dans les meilleurs délais… Accoucher en toute sérénité, avec un accompagnement personnalisé, dans des conditions « presque comme à la maison », mais sans y être…

Je ne m’étendrai pas sur les (plus ou moins bonnes) raisons qui n’ont pas permis à ce projet d’aboutir (la barrière de la langue, essentiellement, et puis les sous, aussi… c’est pas remboursé ce genre de choses, même si ça coute moins cher que d’accoucher en structure… et je n’ai pas la pugnacité d’Eudes…) mais j’ai encore aujourd’hui le cœur serré à l’idée de ce qu’aurait pu être mon accouchement..

Car au final, j’ai du me résoudre à aller à la maternité (niveau 1, c’est un moindre mal) J’y suis arrivée à 18h30 (à 3cm de dilatation, hein, j’ai pas volontairement attendu le dernier moment), ma fille est née à 19h, dans le box d’examen; et pendant cette demi-heure, j’ai été allongée, monitorée, questionnée (sur le suivi de ma grossesse et mon projet de naissance, car j’en avais un, forcément…), une tentative de perfusion a échoué… Et après la naissance, le changement d’équipe aidant, j’ai tenté de faire connaissance avec mon bébé dans un box dont les 2 portes étaient ouvertes, toutes lumières allumées, avec environ 6 personnes qui faisaient des allées et venues autour de nous. J’ai aussi eu droit à ma voie veineuse, en cas d’hémorragie de la délivrance, vous comprenez, il n’y a pas eu de délivrance dirigée, on ne veut pas prendre de risques…

Bon, ceci dit, j’ai déjà raconté cet épisode de façon beaucoup plus positive, je l’admets: j’ai accouché sur le côté, je n’ai pas eu d’épisio, ni d’injection d’aucune sorte; mon bébé ne m’a pas quittée, elle n’a pas été aspirée, baignée, la perméabilité de ses orifices n’a pas été vérifiée en y faisant passer diverses sondes… Donc quelque part « je ne devrais pas me plaindre »

Et pourtant si, je me plains: s’il y avait eu une sage-femme pratiquant les AAD dans mon secteur, j’aurais accouché chez moi, et les choses se seraient passées autrement…

Bon… J’aurais peut-être eu un ANA (Accouchement Non Assisté, ndlr ^^), aussi, vu la rapidité de cette naissance, et ça je ne suis pas sûre que j’aurais apprécié… Mais rétrospectivement, j’aurais aussi bien pu accoucher dans ma voiture sans assistance si j’avais été plus loin de la maternité…

Bref, on ne refait pas l’histoire…

J’ai 4 enfants qui vont bien, je n’en aurais pas d’autre, et je vais bien moi aussi.

Par contre, je crois que le monde de la naissance aujourd’hui ne va pas bien, c’est pourquoi je veux participer à la mobilisation autour des sages-femmes qui pratiquent l’AAD, pour leur permettre d’exercer leur métier selon leurs convictions, et pour permettre aux couples d’avoir le choix de donner naissance à leurs enfants dans les conditions qui sont les meilleures pour eux.

Concilier travail et vie de famille

Dernièrement, j’ai été sollicitée par Gaëlle Picut qui tient le blog En Aparté, consacré à la conciliation vie privée / vie professionnelle et aux valeurs autour du travail… Elle souhaitait recueillir mon témoignage… M’interviewer… Trop la classe!!

Je ne vous cache pas que j’ai été hyper flattée…Pourquoi moi??

J’ai parcouru son blog (et je vous invite à faire de même, il regorge de témoignages passionnants), et au fil des pages, je me suis dit qu’effectivement, mon expérience avait quelques originalités qu’il pouvait être intéressant de partager…

Déjà médecin et mère de 4 enfants, en général, ça pique la curiosité… Comment est-ce possible?! Avec un homme au foyer en plus dans le tableau, ce n’est quand même pas commun, je le reconnais!

Et puis ça ne vous aura pas échappé si vous avez lu mes billets, le difficile équilibre entre le travail et la vie de famille est quand même bien au cœur de mes préoccupations!

Alors voilà, j’ai retroussé mes manches, et je me suis employée à répondre avec application à ses questions…

Vous pouvez lire le résultat ici

Écrire ce témoignage m’a fait beaucoup réfléchir (et me fait encore réfléchir d’ailleurs) En effet, quand je lis notre organisation, je me dis que j’ai tout pour être heureuse, franchement, et que j’ai tout mis en œuvre pour à la fois profiter de ma famille et m’épanouir dans mon boulot…

Alors pourquoi je n’y arrive pas??

Et puis je me rend compte également comme l’attitude des enfants a changé en 3 ans… En relisant mes vieux billets, je me souviens comme elles étaient heureuses de me voir rentrer le midi alors qu’elle avaient l’habitude de ne pas me voir de la journée quand je remplaçais. Aujourd’hui, le repas de midi ensemble, c’est un acquis. Du coup on focalise sur les autres moments où je ne suis pas là… Elles ne se rendent pas compte de comment ça peut se passer chez les autres!…Ingrates!

Et puis dans mon témoignage, j’insiste sur leur phrase « Maman, tu pars encore travailler« . Finalement, ce n’est sans doute pas un reproche de leur part, c’est peut-être ma propre culpabilité/frustration qui me la fait percevoir comme telle… Elles ont le droit de me faire savoir qu’elle apprécieraient que je reste avec elles… A moi de poser simplement le fait que « Oui, je pars travailler, à plus tard mes chéries« …

Arf!…

J’aimerais tellement leur transmettre l’idée que travailler, c’est chouette, que dans la vie, on peut être heureux d’aller faire un travail que l’on aime, que ce n’est pas une obligation à la quelle on se soumet en trainant les pieds… Malheureusement, je crois que ce n’est pas l’image que je renvoie en ce moment… Et je le regrette d’autant plus que, je le redis parce que ce n’est pas forcément évident quand on me lit, j’aime ce métier riche et diversifié qui peut être tellement gratifiant…

Bref, je n’ai pas fini de cogiter sur le sujet!

En tout cas merci Gaëlle de m’avoir donné cette occasion de partager un peu de mon vécu, j’espère qu’il fera écho parmi tes lecteurs…

Compte à rebours

Je m’étais promis que quand je serais installée, je m’organiserais pour ne pas passer ma vie à attendre le prochain week-end ou les prochaines vacances…

Que ma vie je la vivrais tous les jours.

Me voici donc à la veille de reprendre le travail après une chouette semaine de congés prise pendant les vacances scolaires de mes enfants.

On n’est pas partis, on a juste profité d’être tous ensemble, de voir des amis, de se balader dans le village ou un peu plus loin mais pas trop. De jouer à la Kinect, de regarder des DVD, de faire des colliers de perles ou de la couture. De mitonner des p’tits plats quand on en avait envie, ou de faire réchauffer une boite quand on avait pas envie de cuisiner. De se coucher tôt! (oui, c’est un plaisir de se coucher tôt!)

On a pris le temps.

Demain je retourne travailler.

Dans 6 jours c’est le prochain week-end.

Dans 7 semaines les prochaines vacances.

J’ai fait une croix sur ma douce utopie, et je recommence le compte à rebours.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais…

Il y a pas mal de domaines dans lesquels je me sens plutôt mal pour conseiller les patients.

Des domaines parfois vraiment médicaux (comme la vaccination par exemple, ou le suivi biologique), parfois pas totalement, plus proche des choix de vie individuels (comme l’accompagnement de la grossesse et de la naissance, et plus tard le maintien à domicile ou pas des personnes âgées) ou de l’éducation (le sommeil, l’alimentation, les pleurs, le respect…)

Ces sujets, ils sont importants, ils me touchent particulièrement, et je ne veux pas les éluder.

Mais parfois, mes choix de vie personnels me mettent dans une position inconfortable pour conseiller les autres…

Alors quel discours doit adopter un médecin généraliste qui se veut honnête, sans oublier les recommandations de bonne pratique?

Je n’ai pas encore trouvé la réponse, mais j’essaie d’être créative!

En ce moment, la question de la diversification alimentaire chez le nourrisson me pose problème, par exemple… Parce que je suis en plein dedans, pour mon 4e bébé, qui n’a pas un rapport à la nourriture facile à gérer…

J’ai diversifié mes enfants successives de façon très différentes… Au fil des années et des enfants, je me suis rendu compte que la question de l’alimentation n’acceptait pas de réponse universelle. Ceci dit, ayant été primipare un jour moi aussi, je comprends fort bien le besoin de conseils et de repères sollicités par les jeunes parents. « Faites au feeling », c’est bien joli, comme conseil, mais je me souviens très bien avoir répondu moi-même au professionnel qui me donnait cette réponse « Oui mais moi, je ne sens rien, alors je fais quoi?! »

Fille N°1, il y a 11 ans…

J’étais une jeune primipare stressée, affligée d’un bébé « aux besoins intenses », pour qui rien n’allait jamais assez vite, et qui n’était jamais repu… A 4 mois, elle buvait des biberons de 240 à 270ml,  4 à 5 fois par jour… (avec l’autorisation du pédiatre, jamais je ne me serais permis de prendre quelque initiative que ce soit) Sa courbe de poids s’envolait, c’était l’horreur… Le pédiatre me faisait des « ordonnances d’alimentation » (donner des petits pots parce que c’est plus simple et plus sûr, commencer par tel légume, ne pas donner telle viande, donner telle quantité pendant 1 semaine, puis augmenter de telle façon… Aucune latitude, hors de cette façon de faire, point de salut) Cela me convenait, car je ne me sentais absolument pas capable de décider quoi que ce soit pour ce bébé à cette période de ma vie…

Fille n°2, il y a 9 ans…

Fille n°2 est arrivée 17 mois après sa « grande » soeur… Par chance, ce bébé-là fut un bébé « facile », le genre qu’on pose dans un coin pour s’occuper de la grande et qu’on oublie… Le genre qu’on allonge dans son ptit berceau, qui gazouille, et qui s’endort « comme un bébé »… Le genre qui mange bien comme il faut les quantités qui sont marquées sur les boites… Par contre, elle était allergique au lait de vache. Hydrolysat, donc, puis légumes maison, toujours mixés et donnés à la petite cuillère…

Fille n°3, il y a 5 ans…

Entre n°2 et n°3, tout a changé pour moi: j’ai découvert l’univers du « maternage proximal », l’allaitement long, et une autre façon de diversifier les enfants, en les laissant manipuler des morceaux tout de suite, plutôt que de passer par la case « purée-cuillère ». Elle a été allaitée 6 mois de façon exclusive, comme recommandé par l’OMS et le monde de l’allaitement, puis le lait maternel est resté sa principale source de nourriture pendant au moins sa première année voire beaucoup plus, je ne me souviens plus quand elle a commencé à manger des quantités considérées comme « normales » pour un enfant de son âge… Elle tétait énormément, à la demande, jour et nuit, elle mangeait tout ce qu’on lui proposait avec plaisir, et sa courbe de poids était superbe…

A cette période, j’étais remplaçante, et je commençais à avoir du mal à trouver une attitude neutre concernant l’alimentation… Je ne voyais personne en consultation qui faisait comme moi… J’avais envie de leur ouvrir les yeux sur d’autres perspectives, mais en même temps, ça avait l’air de bien se passer pour eux comme ça, ça se passait bien pour moi à ma façon, j’ai donc pris le parti de cloisonner… Je donne des conseils consensuels, et moi je fais l’opposé…

Fille n°4, il y a un peu plus d’un an…

Celle-ci a bouleversé toutes mes certitudes concernant l’alimentation… J’étais bien décidée à adopter la même technique que pour n°3: allaitement puis manipulation d’aliments, pas de prise de tête… Contre toute attente, même l’allaitement n’est pas allé de soi… J’ai galéré pendant un bon mois et demi avant d’avoir l’assurance que j’allais pouvoir mener l’allaitement long que j’avais imaginé. Heureusement, ça, ça roule! Par contre, elle n’a pas DU TOUT accroché sur la nourriture… M’étant un peu éloignée du milieux du maternage, voyant défiler en consultation des nourrissons diversifiés relativement tôt et de façon très « petits pots selon le protocole blé#dina », ayant un bébé moins accro à la tétée et qui donc ne prenait pas énormément de poids… Je me suis pas mal remise en questions, et la diversification n’a pas été (et n’est toujours pas) quelque chose que j’ai vécu sereinement…

Alors comment conseiller les autres, quand on est soi-même un peu perdue?

Ma fille n’a accepté pendant des semaines que des petits pots de couleur orange… Bizarre, mais c’est ainsi! (Les compotes de fruits, elle a toujours bien aimé, par contre…) Aujourd’hui encore, elle mange essentiellement les petits pots à la carotte et au potiron seuls, froids. Et ça n’a pas coulé de source… Combien de batailles (perdues par nous) pour lui faire avaler 3 cuillères de purée… Quel stress, quelle incompréhension, quelle frustration (chez nous, la nourriture, c’est important, on aime tous manger!) Comme protéines, en dehors de mon lait, elle prend du surimi, du jambon, et du fromage (le crottin de chèvre notamment, et la tome de brebis… elle est très sélective!). Elle mange du pain, certains biscuits mais pas tous. Elle mange des frites et de la pizza… Punaise, la honte, j’vous jure, DES FRITES!! Bon pas beaucoup, et pas tous les jours, mais quand on en mange, elle devient hystérique jusqu’à ce qu’on lui en donne (et ne me faites pas la morale sur les limites, l’éducation, touça touça, hein!!) Avec un bébé qui ne mange pas « bien », à un moment on est tellement contents qu’elle s’intéresse à quelque chose, qu’elle ne se mette pas à pleurer en détournant la tête quand on lui propose des aliments, qu’on est prêts à lui laisser manger un peu n’importe quoi… Contre toute attente, maintenant elle aime aussi les haricots verts, mais pas en purée: mangés avec les doigts, elle adore! Elle croque aussi dans les pommes, mange des bananes et du raisin…

Donc voilà…

Que dire aux patients qui me sollicitent pour les guider dans la diversification de leurs enfants??

Actuellement, j’ai trouvé un positionnement qui me semble vivable pour moi et pour mes patients.

Je commence par leur demander comment ils envisagent de procéder pour la diversification de leur enfant.

Parfois, ils ont déjà leur idée sur la question, et à part énorme erreur diététique, je valide et encourage.

Parfois, ils ne savent pas, et attendent de moi que je les guide… Alors je leur explique que l’alimentation étant pour moi un sujet tellement variable d’un enfant à l’autre, d’une famille à l’autre, que je me refuse à donner des consignes strictes de diversification. Pas d’ordonnances alimentaires avec moi. S’ils ont besoin de cette approche-là, il faudra qu’ils consultent quelqu’un d’autre (et ils n’ont pas à aller loin, de l’autre côté du couloir, ça sera comme ça!) J’essaye de les rassurer sur leurs compétences de parents pour ce bébé-là: personne ne peut savoir à l’avance ce qui lui conviendra, et personne ne saura mieux qu’eux ce qui est bon pour lui. Je leur donne des fiches que j’ai faites à partir des recommandations de la société française de pédiatrie, à titre de repères, en précisant bien que je vois ça plus comme des pistes qu’il faut s’approprier en fonction des réactions du bébé…

Et en lisant par exemple qu’il ne faut pas associer 2 sources de protéines au cours du même repas, et ce genre de sages recommandations… Je pense très très fort « arf, si vous saviez comment ça se passe chez moi!! »

Parfois, quand je les sens open, je leur parle de la « diversification menée par l’enfant »

Mais depuis n°4, je suis plus mesurée quand même… Quoique… Si je ne m’était pas « inquiétée » de ne pas la voir intéressée par la nourriture à 6 mois… Elle n’était sans doute juste pas prête…

Et quand des parents me parlent de leur enfant qui « ne mange rien », je compatis très fort intérieurement, mais j’évite de leur raconter ma vie, je ne trouve pas ça très professionnel… Ça me démange, quand même, parfois… Alors je leur conseille ce livre qui m’a beaucoup aidée et déculpabilisée:

« Mon enfant ne mange pas », de Carloz Gonzalez

A certains qui insistent, qui posent plein de questions et qui veulent des réponses précises, je leur dit le plus simplement possible que mon expérience personnelle en la matière ne m’autorise pas à leur faire croire que j’ai les réponses à toutes les questions et qu’il faudra faire sans… et que ce n’est pas si important… Qu’avec leur soucis de faire au mieux pour leur enfant, ils ne peuvent pas se tromper beaucoup, qu’il leur faut juste apprendre à relativiser et que le reste viendra tout seul…

Je ne sais pas si je fais bien…

Parfois j’ai l’impression que je me complique bien la vie… L’alimentation sur ordonnance, ça va peut-être plus vite pour le médecin, ça donne une image de praticien sûr de lui, solide, et c’est rassurant pour les parents…

Mais bon…

Ça ne me correspond pas!

Alors je continue d’essayer tant bien que mal de trouver un juste milieu…

Mais toujours je pense « Faites comme vous voulez… mais pas forcément comme moi quand même! »